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Alexandre Guigue est professeur en droit public à l’université Savoie-Mont-Blanc.
Il est possible qu’on n’ait pas de budget, c’est-à-dire qu’aucune loi de finances ne soit votée avant le 1er janvier 2025. Préparé par l’actuel gouvernement et par Bercy, le projet de loi de finances [PLF] devra être déposé à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre.
La situation politique s’enlise et il n’est pas exclu que, en septembre, le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal soit toujours en place. Et même si un nouveau gouvernement était formé, il ne pourrait probablement pas s’appuyer sur une coalition suffisante. Bref, le risque de blocage n’a jamais été aussi fort sous la Ve République.
Plusieurs dispositifs légaux et constitutionnels sont prévus pour éviter la crise. Mais il y a un trou dans la raquette : le droit n’offre pas de solution si une Assemblée nationale réfractaire refuse toute autorisation budgétaire.
Certains juristes affirment que la Constitution et la Loi organique relative aux lois de finances [LOLF, qui complète la Constitution en matière budgétaire] ont tout prévu. Selon eux, un « shutdown » [arrêt des activités gouvernementales], comme il y en a aux Etats-Unis, ne peut pas advenir en France. Mais même si c’est hypothétique, un tel scénario reste théoriquement possible : les fonctionnaires ne sont plus payés, l’administration est immobilisée.
Au niveau du calendrier, des dispositions permettent de contrer l’indiscipline de l’Assemblée nationale. Selon l’article 47 de la Constitution, les parlementaires ont soixante-dix jours pour « se prononcer » sur le PLF. Faute de quoi le gouvernement pourra le mettre en œuvre par ordonnances. Le délai est de cinquante jours pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Attention : il y a une ambiguïté sur le terme « se prononcer ». Cela veut dire voter, même si le vote est négatif et conduit au rejet du PLF. Dans ce cas, le blocage ne serait pas levé. Il paraît difficile d’interpréter le mot comme un vote positif, c’est-à-dire comme une nécessité de s’accorder sur une loi de finances. Si un gouvernement tentait de gouverner par ordonnances, elles pourraient être contestées devant le Conseil d’Etat.
Pour contraindre, voire contourner l’Assemblée nationale, il existe plusieurs canaux juridiques. D’abord, si certains articles précis posent problème, le gouvernement peut recourir au vote bloqué, avec l’article 44, alinéa 3 : l’Assemblée aurait alors à se prononcer sur tout ou partie du texte en un seul vote. Mais rien ne l’empêche de le rejeter en bloc.
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